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Retrouvez tous les épisodes de la série « Lettres de Kanesh » ici.
En 1250 avant J.-C., sous le règne de Ramsès II, un chef de chantier de la cité égyptienne de Thèbes dresse la liste de près d’une année d’absences de ses ouvriers. Il en consigne le détail sur une plaque d’albâtre, découverte il y a plus d’un siècle et conservée au British Museum de Londres. Ce registre contient une surprenante information : l’une des causes les plus fréquentes d’absence des travailleurs est que leur épouse, ou leur fille, « saigne ».
Ils s’absentent parfois parce qu’ils sont malades, qu’ils brassent leur bière ou embaument leurs morts, voire qu’ils passent la journée avec le scribe. Mais il arrive aussi qu’ils restent chez eux, manifestement pour aider les femmes du foyer dans la conduite des tâches rendues pénibles par les menstruations. Une excuse qui semble suffisamment banale pour être consignée par écrit.
Les sociétés patriarcales du Proche-Orient à l’âge du bronze battent parfois en brèche nos préjugés sur la place qu’elles pouvaient laisser aux femmes dans les domaines de l’économie, de la religion, de l’organisation du travail. Les dizaines de milliers de tablettes d’argile découvertes dans les ruines de la cité anatolienne de Kanesh précèdent de sept siècles le registre du contremaître égyptien de Thèbes mais elles nous prennent, elles aussi, à contre-pied.
Ces quelque 22 000 textes – le corpus de documents privés le plus ancien et volumineux de l’histoire de l’humanité – offrent une image inattendue de la place des femmes au Proche-Orient il y a quatre mille ans, dans un monde que nous nous figurons volontiers empreint de brutalité et de violence, et complètement dominé par les hommes.
La première chose que des documents écrits peuvent attester, c’est précisément d’un rapport à la lecture et à l’écriture. Or la quantité de tablettes exhumées à Kanesh suggère que la société paléo-assyrienne est globalement lettrée, signe du soin porté à l’éducation – vraisemblablement transmise au sein du foyer. Un soin d’autant plus minutieux que maîtriser l’usage des quelque 150 caractères du syllabaire cunéiforme était une autre paire de manches qu’apprendre les vingt-six lettres de notre alphabet.
Les marchands assyriens installés à Kanesh lisaient et écrivaient donc eux-mêmes les documents qu’ils archivaient, et que les archéologues découvrent aujourd’hui. Et parmi ces textes se trouvent un grand nombre de lettres adressées par leurs épouses demeurées à Assur, leur cité d’origine, dans le nord de l’Irak actuel, à un millier de kilomètres de là.
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